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Lucas, 27 ans, Colmar, 37 jours d’abstinence 

 

 

« L’année dernière, j’ai tenu 2 jours ». Ce n’est pas la première fois que Lucas tente de relever le défi du Mois Sans Tabac. Cette année, pas question d’échouer. Juste avant d’atteindre une décennie de shoots nicotinés, il prend la décision d’arrêter. Prévoyant, le jeune homme prend de l’avance et fume sa dernière cigarette le 14 octobre dernier. Une façon pour ce sportif de s’entrainer avant le top départ et aborder ainsi le mois de novembre avec moins de pression sur les épaules. Ce jour-là, il est assis sur un banc en pleine nature dans les Vosges et c’est là qu’il prend la décision « Je me sentais tellement bien, j’ai trouvé que c’était le bon endroit pour fumer la dernière ». Il laisse alors sur ce banc les deux paquets presque pleins qui lui restaient, accompagnés d’un mot pour le futur acquéreur.

 

Téméraire, Lucas concourt en solo. Le kit du Mois Sans Tabac bien trop « scolaire » ne lui a servi à rien, tout comme les patchs et les gommes à mâcher prescrits par son médecin. C’est la pratique du sport qui renforce son choix « On a beau nous dire que c’est positif pour notre santé, c’est seulement quand on arrête qu’on réalise les bienfaits de l’arrêt sur notre corps. Pour moi, c’était assez rapide, au bout de trois semaines déjà, je sentais la différence ». Course à pieds, basket, le jeune homme a retrouvé son souffle et cherche alors à se dépasser. Plutôt bien joué quand on sait que depuis qu’il a arrêté, Lucas mange davantage ; une compensation fréquente chez les anciens fumeurs.

 

Sur le groupe Facebook du Mois Sans Tabac destiné au Grand Est, il poste une photo du parcours d’une course dominicale de 17km afin encourager ceux qui souhaiteraient se remettre au sport. Première récompense donc pour l’ancien accro. La seconde, elle, se chiffre, ou plutôt s’additionne lorsqu’il fait ses comptes. Le nerf de sa guerre. Et lui, il compte bien en profiter « Je me suis dit : peut-être que je pourrais voyager avec tout cet argent ». 140 euros d’économisés sur les trois premières semaines. Avec ce joli pactole, Lucas s’offre un extracteur de jus. Une façon pour lui de se rétribuer pour les efforts fournis. S’il y pense tous les jours, le jeune homme tient bon et même ses sorties nocturnes ne comptent plus cet excès. 

 

*Propos recueillis le 18 novembre 2017

Audrey, 38 ans, Mitschdorf, 21 jours d’abstinence 

 

Fumeuse depuis l’âge de 15 ans, c’est la quatrième fois qu’Audrey essaie d’arrêter de fumer. La première fois, c’était les paroles de sa fille de 5 ans qui avait été à l’origine d’un électrochoc « Maman tu as une cigarette à la main sur toutes les photos ». Aujourd’hui, c’est un objectif personnel de longue date qu’elle compte bien atteindre. L’odeur qui s’imprègne sur les vêtements, le sentiment de dépendance et l’aspect financier sont autant de raisons qui justifient sa motivation. Et puis de toute manière « j’ai de moins en moins de personnes qui fument autour de moi ».

 

Bien décidé à tenir, Audrey ne s’est pas accordée un seul écart. Elle le sait, l’envie est encore présente et une seule rechute suffirait à lui faire reprendre la même consommation. Elle devrait alors recommencer à zéro, une idée qu’elle n’ose envisager après tout ce qu’elle a déjà dû surmonter. La plupart du temps, porter un patch l’aide à ne pas craquer mais quand cela ne suffit pas, la mère de famille s’octroie une pastille à la nicotine. Elle a soigneusement conservé le calendrier fourni par le kit du Mois Sans Tabac « c’est mon petit plaisir de tourner une nouvelle page chaque jour ». 

 

 

Mais la plus belle découverte d’Audrey, c’est l’entraide qui s’organise sur les réseaux sociaux. Membre du groupe Les habitants du Grand Est #MoisSansTabac, elle a pris l’habitude de consulter les posts qui y sont publiés, surtout le soir en rentrant du travail. Echanger avec des personnes dans la même situation, qui doivent faire face aux mêmes difficultés est devenu un soutien essentiel « on se sent moins seul » explique Audrey.

Les journées s’enchainent et la semaine passe plutôt vite. « Au travail, on a l’esprit occupé » pas le temps d’y penser. Mais c’est quand vient le week-end qu’elle a le plus de mal à résister.

 

Alors, elle sort marcher, prendre l’air « avant, cela me gênait de devoir sortir pour fumer ma cigarette et maintenant je sors davantage pour me balader, mais sans la cigarette ».

Les bénéfices de l’arrêt du tabac, Audrey s’en rend bien compte. « Je n’ai plus le stress de manquer et de ne pas avoir prévu assez de cigarette le matin en partant au travail ou à l’approche du week-end ». Une consommation à hauteur d’un paquet par jour demande certes, une organisation quotidienne. Plus de temps donc, accordé au reste, aux sorties shopping avec sa fille et à ses proches comme son compagnon, qui, non-fumeur depuis toujours la conforte dans sa décision. Elle se sent, cette fois-ci c’est la bonne.

 

*Propos recueillis le 18 novembre 2017 

Gaëtan, 27 ans, Strasbourg, 20 jours d’abstinence 

 

 

Pour Gaëtan, l’arrivée du mois de novembre a chassé le tabac de son quotidien sans même qu’il l’y ait invité. « Je ne me suis jamais dit que j’avais envie d’arrêter » mais puisque le défi est lancé par ses amis et suivi par sa famille, le jeune homme se trouve quelque peu coincé. Sans s’en rendre compte, il fume sa dernière cigarette le 31 octobre, aux alentours de trois heures du matin. Le lendemain, la partie a commencé et le jeune homme se voit condamné à jouer (Ou tout du moins à essayer). La dépendance non plus, il ne l’avait pas vu venir. Crapoteur occasionnel à ses débuts, il est promu fumeur régulier à l’âge de 19 ans. Mais sachant s’en passer l’espace d’une journée, il n’entend pas souffrir d’addiction « Je me disais toujours que je pouvais m’en passer ».

 

Mais, en septembre de l’année dernière le déni a pris fin. Enfin. « Je comptais courir un semi-marathon. J’ai donc essayé de ne pas fumer durant la semaine qui le précédait et je n’ai pas réussi ». Gaëtan investit alors dans une cigarette électronique qu’il oublie puis reprend selon les périodes. Depuis le début du mois, elle lui sert de béquille. Quand il a envie, il vapote. Le goût tabac couplé au bon dosage aident à soulager le manque. Néanmoins, la routine est toujours là. La clope à l’heure du déjeuner est maintenant vapotée tout comme celle du soir ou avec le café. Seulement les quantités sont moindres « Je n’ai plus envie d’une cigarette entière, c’est trop. Avec l’électronique, je peux tirer deux taffes et ça me suffit ».

 

Il a délaissé le groupe du Grand Est au profit de celui des « Vapoteurs #MoisSansTabac » avec lequel il se sent plus en phase. « Sur le groupe ça devenait tout et n’importe quoi. Les gens déballent toute leur vie, avec des posts qui n’ont rien à voir avec le Mois Sans Tabac, c’est presque un réseau social à part entière dans le réseau social ». Contrairement à d’autres et comme il est encore consommateur de nicotine, Gaëtan ne ressent pas encore les effets sur son corps. Le manque de souffle est toujours présent et les difficultés sportives sont les mêmes. Il ne s’en étonne pas car il se considère encore comme un fumeur.

 

Mais certains changements commencent pourtant à l’interpeller « Avant, ça me paraissait normal de sortir d’un bar et allumer une clope. Et là au contraire, je trouverais ça étrange d’en allumer une ».

Le vapoteur n’envisage pas d’arrêter complètement pour le moment « Le côté drogue et la dépendance me dérangent, mais bon. Peut-être qu’à force je vais diminuer et arrêter définitivement, mais ça reste à voir ! ». Probable, il ne serait pas surprenant en effet que le Strasbourgeois se laisse prendre à son propre jeu, une nouvelle fois, sans même s’en rendre compte.

 

 

*Propos recueillis le 18 novembre 2017 

 

 

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Chaque année c’est le même exercice qui est proposé aux fumeurs. Au mois de novembre, tous les addicts sont invités à se séparer de leur blonde l’espace d’une trentaine de jours au minimum. Période après laquelle, les chances d’arrêter définitivement seraient multipliés par cinq. Mais qui sont ceux qui décident de relever le défi ? Pourquoi acceptent-ils ? S’agit-il de scander publiquement le fameux « j’arrête quand je veux ! » ou d’une réelle détermination ? Plusieurs abstinents du Grand Est se sont confiés sur leurs motivations.

Crédits photo : Caroline Alonso

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Ils ont décidé d'arrêter de fumer pendant le mois sans tabac 

 

Amandine, 26 ans, Longwy, 26 jours d’abstinence

 

 

 

“J’ai fait mes comptes pour le mois de novembre et j’ai réalisé que je n’avais pas assez d’argent pour payer mes courses”. Coup dur, pour la jeune institutrice qui bénéficie pourtant d’une situation stable. C’est suite à une panne de voiture qu’elle décide de revoir ses conditions de vie. Amandine s’est réellement “sentie fumeuse” il y a cinq ans. La proximité avec le Luxembourg lui permet de limiter les dépenses en semaine avec des cigarettes tubées. Le week-end par contre, elle fume un à deux paquets de vingt-cinq.

 

L’envie d’arrêter étant présente depuis plus d’un an et son équilibre budgétaire s’en trouvant ébranlé, elle entame une sérieuse réflexion sur sa dépendance. “Je me suis demandé pourquoi j’avais commencé à fumer et j’ai réalisé que c’était dû au divorce de mes parents et à ma précédente relation amoureuse. Après avoir compris ça, j’avais envie de me prouver que ça ne m’était pas nécessaire”. Prudente, le 31 octobre, Amandine fait donc un premier test : ne pas fumer de l’après-midi. Au bout de quelques heures, elle commence à se sentir mal et sens les palpitations de son cœur s’accélérer. Anxieuse, elle se penche alors sur les témoignages du groupe Facebook Les habitants du Grand Est #MoisSansTabac pour tenter d’expliquer ces phénomènes. “Et puis j’ai compris. Je me suis dit : ce que tu es en train de vivre, c’est tout simplement le manque”. A 18h, elle craque. Cette cigarette tant attendue lui donne le tournis. Et là, encore, c’est l’étonnement : Je me suis dit : quoi déjà? J’ai donc réalisé que les effets sur mon corps étaient presque immédiats. C’est là que je me suis dit “tu en es capable””. Ce soir-là, elle éteint sa dernière cigarette à 23h59 “Psychologiquement cela devait être important pour moi. Je me suis dit, “c’est bon là tu tournes une page””.

 

Redoutant la prise de poids, la jeune femme s’engage dans un rééquilibrage alimentaire complet. Peu de temps après, s’en suivra un rééquilibrage émotionnel “ Je me suis vite rendue compte que j’utilisais la cigarette pour camoufler mes émotions. Après avoir arrêté, je me suis donc sentie plus sensible. J’ai dû réapprendre à gérer mes émotions.” Téméraire, elle mène ainsi le combat sur tous les fronts. Aujourd’hui, lorsqu’elle observe d’un œil rieur les fumeurs regroupés devant certains bâtiments, elle y voit des robots, exécutants jour après jour les mêmes gestes sans trop savoir pourquoi “c’est dans ces moment-là que je me dis que j’ai fait le bon choix. Ma force, c’est mon orgueil !”. Enfin, dernière étape du processus de transformation, Amandine s’attèle à un grand nettoyage de son lieu de vie. Elle ne supporte plus l’odeur de la cigarette. Vêtements, canapé, plaids, la maison toute entière y passe. “C’est comme si tu avais un étranger chez toi, tu veux qu’il parte, qu’il dégage !”. Une intolérance digne d’une non fumeuse “aujourd’hui, je n’ai pas l’impression d’avoir été fumeuse. Je n’ai plus aucune sensation de manque. C’est certainement le fait d’avoir fait un bilan à cette période de ma vie.”. Il arrive parfois qu’une seule décision suffise à retrouver l’équilibre.

*Propos recueillis le 25 novembre 2017

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